Communiqué de presse
Vins liquoreux de Bordeaux : entre richesse aromatique et crise de consommation, quels profils sensoriels privilégier ?
Le jeudi 22 Novembre lors du salon Vinitech Philippe Darriet et Éric Giraud-Héraud ont organisé un séminaire concernant les résultats de travaux récents conduits à l’Institut des Sciences de la Vigne du Vin (ISVV) de l’Université de Bordeaux sur les vins doux et liquoreux de Bordeaux. Ces travaux incluaient études historiques, sensorielles et d’économie expérimentale en mettant des consommateurs face à différents profils de vins.
Philippe Darriet a tout d’abord rappelé que le phénomène de la pourriture noble, au travers le développement du champignon microscopique Botrytis cinerea est un remarquable amplificateur de la composante aromatique des raisins et des vins. Il permet notamment de renforcer les nuances fraiches d’agrûmes confits ainsi que la complexité de vins liquoreux au cours de l’élevage sous bois.
Stéphanie Lachaud, historienne de l’Université Bordeaux Montaigne a présenté le projet de recherche « Liquoreux d’Aquitaine », qui met en collaboration plusieurs sites universitaires (Université de Bordeaux, Université Bordeaux Montaigne et Université de Pau et des Pays de l’Adour). Les sciences humaines et sociales participent à mettre en lumière la construction historique d’un savoir-faire ancestral et unique des vendanges de vins doux dans la région de Bordeaux.
« Si en Sauternais les mentions de vendanges tardives apparaissent dans les décennies 1650-1660 et les vendanges à tries au début du XVIIIe siècle, sur la rive droite, dans la région de Sainte‑Croix‑du‑Mont, des conflits paraissent opposer dès la décennie 1630 les tenanciers aux propriétaires soucieux de vendanger le plus tard possible »
essai géographique sur la crise du Bordeaux.
La réponse à des marchés, les investissements urbains, les changements de modes, concurrences ou dispositions réglementaires sont autant de paramètres tout aussi fondamentaux que la question du terroir pour expliquer la naissance de ces vins blancs doux autant que la fragilité actuelle de ces productions originales. La baisse de la consommation, la diminution des rencontres familiales, les changements de mode de consommation (bars à vins, apéritif dînatoire…) ont eu un impact direct dans la déconsommation des vins doux de Bordeaux. L’accord vins doux-huîtres a ainsi disparu alors qu’il était primordial au début du XIXe siècle. Les usages sont donc à recréer.
L’accent a été mis lors de cette matinée sur les premiers résultats de deux études impliquant près d’une centaine de consommateurs concernant la perception de différents profils de vins doux et liquoreux de Bordeaux.
L’étude d’économie expérimentale, présentée par Anne Hubert (ISVV), a analysé le consentement à payer de 130 consommateurs exposés à la dégustation de quatre vins liquoreux de Bordeaux. Ces vins du millésime 2015, sélectionnés par des œnologues et professionnels, présentaient des richesses et en sucres et niveaux de complexité variables. Paradoxalement, les consommateurs n’ont pas privilégié dans leur choix des vins les moins sucrés mais ils ont reconnu l’originalité et le caractère unique de l’expression organoleptique des vins liquoreux issus de raisins touchés par la pourriture noble malgré leur plus grande richesse en sucres. Il apparaît en outre qu’un renforcement de la communication sur les modalités d’élaboration de ces vins, en particulier la récolte de raisins touchés par la pourriture noble, est largement valorisé par les consommateurs.
Les résultats concernant la composition des vins ont été confortés par une deuxième étude conduite par Sophie Tempère enseignant-chercheur à ISVV. Dans cette partie du projet, les chercheurs se sont intéressés aux accords mets et vins liquoreux. Différentes combinaisons (compotées de mangue, foie gras, comté) ont été testées, tout en jouant sur la teneur en sucres et en acide du met ou du vin. L’un des premiers résultats de l’expérimentation montre qu’à la découverte des vins liquoreux, le sucre reste un facteur déterminant et d’attrait pour les consommateurs. Cette observation est faîte même pour des personnes déclarant ne plus consommer ce type de vins. En outre, l’association avec un met sucré dévalue la perception du vin ayant un effet de masquage sur la composante sucrée de celui-ci modifiant ainsi l’attrait des consommateurs. Pour conclure, il est tout de même important de relever la forte hétérogénéité des préférences et l’importance de raisonner en termes de diversité d’offres faites aux consommateurs dans le cas des accords mets et vins. Contrairement donc à ce qu’il est possible parfois de lire dans la presse, rien ne permet actuellement de dire que le foie gras ne s’adapte pas aux vins liquoreux.
Les vins liquoreux de Bordeaux sont uniques au monde. Différentes pistes de recherches méritent d’être explorer pour relancer la production et leur consommation. Cette production fait partie des identités viticoles fortes et originales du vignoble de Bordeaux.
L’ISVV continuera ses travaux sur les prochaines années. Tous les acteurs peuvent participer à cette aventure en soutenant les études.
Contacts ISVV :
Éric Giraud-Héraud, eric.giraud-heraud@u-bordeaux.fr,
Philippe Darriet, philippe.darriet@u-bordeaux.fr
Contact Université Bordeaux Montaigne :
Stéphanie Lachaud, stephanie.lachaud@u-bordeaux-montaigne.fr
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Christelle Boisbineuf (24 novembre 2018). Salon Vinitech Sifel, 22 novembre 2018 à Bordeaux. Liquoreux d'Aquitaine. Consulté le 5 décembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/qwos